LES FORTIFICATIONS
L’ Ile de Batz, île frontière du moyen âge au XIXème siècle
Introduction
Le promeneur découvre lors de son tour de l’île plusieurs vestiges d’ouvrages défensifs érigés au XVIIIe et XIXe siècle. Ils sont les traces d’un dispositif de protection des côtes et des îles bretonnes, mis en place à l’extrême fin du 17e siècle quand la victoire anglaise de la Hougue, en 1692, a consacré la maîtrise des mers par l’Angleterre. Pour prévenir les attaques par mer, et empêcher les débarquements ou les bombardements ennemis, le Roi décide de fortifier les côtes. C’est le choix de la guerre défensive dont Vauban, commissaire général des fortifications (1678-1703), est la figure la plus célèbre jusqu’à aujourd’hui.
Le littoral de l’Ile de Batz, hérissé de rochers hostiles et exposé à de forts courants marins bénéficie de défenses naturelles mais le chenal offre un excellent mouillage aux navires de guerre et de commerce, doit être protégé des attaques anglaises.
Dans les années 1680-1690 Vauban fait plusieurs voyages sur les côtes bretonnes et conçoit le dispositif de défenses des côtes de France mis en place par lui-même et ses successeurs tout au long du 18e siècle. Ce système, en vigueur jusqu’aux guerres napoléoniennes, repose sur deux éléments essentiels : des forts et, beaucoup plus modestes, des batteries côtières, simples talus empierrés destinés à cacher des canons et leurs canonniers.
Au début du 18e siècle, l’ile de Batz est dotée de deux batteries côtières pour protéger les deux passes du chenal et sécuriser le mouillage : la batterie dite de l’Ouest, implantée à la pointe ouest de l’Ile, et la batterie du Kleguer, à la pointe sud-est, face à Roscoff ; elles croisant leur feu avec celui des batteries de l’ile de Siec et de Roscoff. Basses et de forme semi-circulaire, ces batteries sont recouvertes de gazon pour amortir les coups de boulets et se fondent dans le paysage, échappant ainsi à la vue des ennemis.
S’ajoutent à ce dispositif un corps de garde à l’Ouest pour abriter les canonniers, ainsi qu’une poudrière pour entreposer la poudre à canon. Enfin un corps de garde d’observation, ancêtre du sémaphore, est érigé au centre de l’Ile pour surveiller la mer et annoncer par des signaux (drapeaux le jour, feux la nuit) l’approche de l’ennemi.
Au moment de la guerre d’indépendance des Etats-Unis (1775-1783), le système défensif de l’Ile est développé par crainte des navires anglais qui croisent au large.
Deux nouvelles batteries sont érigées :
-
une à la pointe de Bilvidic, au nord-est de l’ile, pour empêcher les débarquements surla grève Blanche et autres plages environnantes ;
-
et deux à la pointe de Beg Seac, au nord-ouest de l’île, pour renforcer la protection de l’entrée ouest du chenal et éloigner les corsaires qui voudraient en couper le chemin aux navires marchands.
Toutes les batteries, anciennes comme neuves, sont maçonnées pour renforcer leur solidité.
Pendant l’été 1781, on complète le dispositif :
- A l’est, les deux batteries du Kleguer et de Bilvidig sont dotées chacune d’une poudrière et d’une guérite pour une sentinelle. Un corps de garde est bâti entre les batteries.
- A l’ouest, les deux batteries de Beg Seach se partagent une petite poudrière et une guérite. Un nouveau corps de garde est érigé entre les batteries de l’Ouest et de Beg Seach, il remplace l’ancien corps de garde de l’ouest, transformé en magasin général de munitions pour toute l’Ile.
Le corps de garde d’observation au centre de l’ile est conservé.
Ce dispositif est employé jusqu’à la chute de l’Empire en 1815. Le projet de Napoléon de renforcer les côtes françaises, en remplaçant les batteries côtières par des fortins, permettant aux troupes de s’y retrancher en cas d’attaques ennemies, est vite abandonné. Les défenses iliennes ne connaissent que deux ajouts pendant cette période :
- un four à boulets, pour rougir les boulets afin d’incendier les navires ennemis ;
- l’utilisation de la chapelle Sainte-Anne comme magasin d’artillerie.
Après la chute de Napoléon Ier, la France est désormais en paix avec ses voisins. Désormais inutile, le système de défense côtier est laissé à l’abandon. Plusieurs projets de fortifications, des côtes sont élaborés au cours du 19e siècle, et notamment en 1846, pour adapter les défenses aux évolutions techniques de l’artillerie et de la marine, mais aucun ne voit le jour. Ce programme ne trouve d’exécution que sous Napoléon III. A l’ile de Batz, deux fortifications modernes sont construites en 1861-1862 :
- le fort de l’Ouest, ou du chenal, construit à l’emplacement de l’ancienne batterie.
- le fort central, érigé à la place du corps de garde d’observation.
Ce système défensif conçu en 1846 s’avère rapidement inadapté à guerre moderne et aux évolutions de la balistique. Les fortifications de l’Ile sont déclassées dès 1888, les constructions et terrains sont vendus. L’Etat ne conserve que le fort central, affecté en 1901 au nouveau sémaphore.
Sous l’Occupation, les deux forts ont été en partie détruits par les Allemands lors de leur retraite en 1944, tandis que les blockhaus construits par eux ont succédé aux batteries de côtes.
De ce dispositif étendu ne subsistent aujourd’hui que peu d’éléments
EST
- batterie du Kleguer en arc de cercle. Assise en moellons de granit couverts d’un talus gazonné
- poudrière : à distance de la batterie par précaution (poudre noire très instable) avec toit vouté et maçonné, entrée au nord, décentrée et à double feuillure extérieure et intérieure ce qui permet d’y loger deux portes et d’assurer l’étanchéité de l’édifice. Ventilation assurée par de petites ouvertures.
- corps de garde vouté avec toit en degrés :
Les premiers corps de gardes ayant eu à souffrir de dégradations et de pillages par les habitants des côtes, il a été décidé à partir de 1734 de doter tous les corps d garde de voûtes supportant des grandes pierres plates, ce qui permettait d’éviter le vol du bois de charpente et de limiter l’entretien.
- guérite avec toit maçonné, porte au sud, étroite et décentrée pour abriter la sentinelle du vent. Une petite ouverture sur le côté pour surveiller le mouillage.
OUEST
- des vestiges des 2 batteries de Beg Seach.
- corps de garde : a perdu portes et fenêtres ; toiture cimentée remplaçant les pierres plates; porte orientée sud-ouest (face au vent) ce qui est curieux ; plafond voûté et cheminée.
- batterie du chenal : a disparu, mais on peut supposer quelle est la base de l’actuel épaulement , exhaussé au 19e siècle.
- le fort de l’ouest, ou réduit du chenal. Il réunissait en un seul bâtiment défensif la batterie, les magasins à poudre et à vivres, et le logement de vingt canonniers. Les magasins prenaient place au rez-de-chaussée, le logement des hommes au 1er, les obusiers sur la couverture en terrasse du fort où ceinturée d’un chemin de ronde
CENTRE
- le fort central : protégé par une forte muraille haute levée qu’on aperçoit depuis l’entrée. Ne subsiste que la partie inférieure du fort qui sert de soubassement à la tour du sémaphore érigée en 1902.